PORTRAIT D’UN ARCHITECTE QUI CONSTRUIT POUR RÉPONDRE AUX BESOINS FONDAMENTAUX DE L’HOMME
L’agence HanUMAN architecture et urbanisme a élaboré le nouveau concept recyclerie/déchetterie de la Communauté de Commune de Tarbes, situé à Ibos (65). Morgan Guillot évoque son parcours et ses engagements pour une architecture orientée vers le biosourcé et l’autonomie.
Interview de Morgan Guillot architecte par BCB, Février 2021.
LE CHOIX INITIAL DE LA CONSTRUCTION BOIS ET BIO
BCB : Évoquons brièvement votre activité. Vous êtes engagé dans la construction bois et bio. C’est un choix des origines, ou cette démarche s’est imposée au fil du temps ?
Morgan Guillot : Depuis ma période étudiant en fait. Il n’y avait pas encore de formation sur la construction bois, à Bordeaux. En conséquence, j’ai interrompu un certain temps mes études pour aller me former chez un constructeur bois. J’avais déjà cette volonté-là.
Ensuite, j’ai travaillé personnellement sur les questions de l’autonomie. Cela fait maintenant 13 ans.
LE SUJET FONDAMENTAL DE L’AUTONOMIE DES BÂTIMENTS
BCB : Vous évoquez l’aspect autonomie. Comment l’abordez-vous ?
Morgan Guillot : L’objectif est que les personnes soient autonomes. Et le rapport à mes compétences est de pouvoir le faire passer par l’architecture. Dans notre agence, nous nous basons sur la notion des besoins fondamentaux développés par Marshall Rosenberg en particulier, qui énonce justement les différents critères de ces besoins fondamentaux.
On considère souvent la question de l’autonomie autour des besoins de survie : manger, respirer, se mettre en sécurité, se protéger au niveau des températures, boire…Ce sont certains de ces aspects, mais il y en a beaucoup d’autres qui peuvent être encore plus importants pour la vie. Ils sont d’ordre psycho-socio-affectif. L’architecture peut contribuer à cette autonomie et créer du lien social.
Cette démarche appliquée au complexe recyclerie + déchetterie génère la création d’un tiers lieu, un espace à vivre, que le public pourra s’approprier. Cela permet de faire de la cohésion sociale, de faciliter le mouvement des personnes, leurs rencontres, pour créer une dynamique. Il y a le bâtiment et l’autonomie du bâtiment. Et cette articulation entre le lieu et son fonctionnement pour une autonomie se traite sur de nombreux points. Prenons l’exemple de la consommation de l’eau : comment va-t-on la récupérer dans un premier temps, puis la potabiliser dans un second temps ?
Globalement il est compliqué de mettre en œuvre cette autonomie dans les ERP. Mais c’est un beau défi.
BCB : A contrario, l’autonomie sur l’habitat individuel serait plus à facile à mettre en place ?
Morgan Guillot : Le sujet est plus facile à amener auprès du particulier à condition que la maitrise d’ouvrage soit déjà dans cette démarche d’habitat autonome. Sinon on retombe sur la nécessité d’un temps long pour aborder le sujet et convaincre. Donc on pourrait réussir du fait de moins de contraintes au niveau conception, mais là, c’est davantage le facteur humain qui apporte des freins peut-être difficilement surmontables.
Donc on en revient au fait que la commande publique autorise pour partie seulement la conception d’ouvrage autonome. Et c’est déjà bien. Pour partie parce l’autonomie pure n’est pas possible au regard des stratégies de politique économique qui sont là pour faire fonctionner la société. Nous sommes ici dans un rapport collectif, et c’est normal ; nous sommes dans une collectivisation des ressources. Donc même si on rend un bâtiment autonome en énergie avec du photovoltaïque par exemple, dans tous les cas on va le maintenir branché sur les réseaux pour qu’il y ait une redistribution. C’est compréhensible à l’échelle du collectif.
PRENDRE EN COMPTE LES BESOINS FONDAMENTAUX
BCB : Pouvez-vous préciser votre démarche relative aux besoins fondamentaux ?
Morgan Guillot : Pour un bâtiment environnemental ou quel que soit la solution à la question environnementale, nous définissons les besoins fondamentaux et ceux pour lesquels on peut se priver.
Par exemple en ce moment je suis sur un projet de logements qui s’adaptent aux saisons. Nous sommes dans le sud-ouest, avec un climat source de confort, avec des hivers doux. On pourrait peut-être réussir à vivre pendant les 2 mois les plus froids dans un espace restreint et vivre dans des espaces plus généreux le reste de l’année !
J’établis mon modèle de référence par rapport aux maisons en Sibérie où en fait vous avez un plan carré avec 4 pièces, une dans chaque angle. Il y a un angle ou la pièce est plus grande, les 4 pièces servent pendant les mois propices. Et en hiver par grand froid, les habitants ne vivent que dans une pièce. Je ne dis pas qu’il faut procéder à l’identique. Mais on pourrait s’en inspirer et vivre en hiver dans un espace plus cocon, “au coin du feu”, et profiter de l’ensemble de la surface habitable le reste de l’année.
Ce serait une 1ère réponse vis-à-vis du respect environnemental : réduire ses besoins à un niveau acceptable, qui pourrait être différent pour chacun. Mais ce serait déjà une avancée avant même de trouver des solutions technologiques.
FAIRE CHANGER LE REGARD PORTÉ SUR LES MATÉRIAUX NATURELS
BCB : Est-ce que votre démarche architecturale trouve un écho favorable ?
MG : La période covid a révélé, au-delà des problématiques économiques, la non-volonté de faire autrement. Il y a une forme de scepticisme qui amène à un positionnement “je croie ou je ne crois pas en l’utilisation des matériaux naturels”, “je crois ou je ne crois pas à l’impact économique”. La croyance en quelque chose prend le dessus sur l’approche rationnelle. Ainsi ces derniers mois, j’ai été confronté à cette attitude au contact de certains MOA.
Mais pour être positif, et malgré cette difficulté du quotidien, depuis un an, nous avons atteint notre objectif d’avoir 100% de projets environnementaux, 100% biosourcé.
“Depuis un an, nous avons atteint notre objectif d’avoir 100% de projets environnementaux, 100% biosourcé”.
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