Le béton de chanvre pour un éco-lieu dédié au bien-être

Daniel Bayol a livré sur le dernier trimestre 2019 une rénovation/construction d’un ouvrage qui combine salle multifonction et bureaux, ensemble dédié au bien-être + lieu d’habitation. Le projet utilise le biosourcé au travers de différents matériaux dont le béton de chanvre pour la partie neuve. Daniel Bayol nous relate l’aventure, parce que c’en est une, et nous rappelle qu’intervenir sur un bâti ancien est une démarche ô combien exigeante.

Interview de Daniel Bayol, DB Chanvre (Assistance à maîtrise d’Ouvrage), le 24 07 2020
NOTA : la maîtrise d’ouvrage est privée et est mentionnée dans l’article sous les désignations MOA ou “la propriétaire”.

 

Comment ce projet d’ECO-LIEU POUR LE BIEN-ÊTRE a pu se concrétiser ?

Daniel Bayol (DB) : Tout débute par ma rencontre avec ma future cliente lors de la journée porte ouverte que j’avais organisée pour la visite de ma propre maison en cours de construction.

À partir de là, elle m’a soumis un cahier des charges pour son propre projet, à savoir la conception d’un éco-lieu associant salle de yoga et habitation. Avec la possibilité de superposer ou de juxtaposer les fonctions.

Les attendus à respecter étaient multiples : le terrain devait s’étendre sur 5000 m², disposer d’une belle vue, la maison en bioclimatique serait orientée sud sans ombre portée. En fait à ce stade, après de très nombreuses visites de sites, nous n’avons pas trouvé l’emplacement idéal.

Puis par la suite, pour aller au bout de son projet, ma cliente m’a questionné sur la possibilité de faire un tel projet en rénovation. Je l’ai rassurée sur le fait que le béton de chanvre fonctionnait aussi bien en construction que sur de l’ancien.

Et là, grâce à cette approche élargie, ma cliente a pu se projeter en visitant d’autres sites.

Pour finalement trouver sur Vidauban (83) une bastide en pierre avec un beau terrain de la surface recherchée et disposant d’un beau potentiel de constructibilité.

Etat initial de la Bastide avant rénovation avec extension

Etat initial de la Bastide avant rénovation avec extension

 

Quelles sont les grandes lignes de la configuration du projet ?

DB : Le site trouvé, s’en sont suivis l’achat et le dépôt d’un avant-projet qui détaille la répartition des fonctions de la maison :

  • La partie haute est dédiée à l’habitation privée
  • Le bas, jusqu’ici garage et studio, est transformé en bureaux, avec l’adjonction d’une extension pour la salle multifonction.

Plus précisément pour le Rdc, le projet intègre 2 bureaux aménagés à destination de praticiens de soins tels que masseurs, kinésithérapeutes, ostéopathes… qui pourront louer à la séance, au mois…en fonction de leur besoins réels.

Et afin d’être conforme à la réglementation, tout a été fait selon les normes ERP et PMR, pour l’accueil, la circulation, l’accès (avec rampe), les sanitaires, la salle de bain,  la sécurité.

Et accolée à ce rez-de-chaussée rénové, nous avons construit l’extension en béton de chanvre et ossatures bois. Partie essentielle du projet.

“De plus, je trouve que le mariage de l’ancien et du neuf fonctionne bien. Très souvent d’ailleurs, on voit que le contemporain va parfaitement avec l’ancien”

 

Comment êtes-vous passé de la demande initiale “salle de yoga” à un potentiel qui en fait une salle multifonction, tout en restant en biosourcé ?

DB : Au départ cette salle a été envisagée comme salle de yoga pour répondre à l’activité de professeur de yoga de ma cliente. Mais en fait elle a poussé plus loin sa démarche pour en faire une salle associative afin de répondre à la demande locale qui est en attente de tels dispositifs. De sorte que le lieu peut être transformé en fonction des évènements, avec une jauge limitée à 19 personnes, afin de rester en ERP catégorie 5.

Nécessairement, l’emplacement reçoit tous les équipements requis : chaises, vidéoprojecteur, écran, sonorisation. On peut ainsi passer de la configuration salle de yoga à la configuration salle de sports, salle dédiée aux activités associatives (colloques, rencontres, événements…).

 

Pourquoi le choix du béton de chanvre ?

DB : La MOA a fait le choix du Béton de chanvre parce que c’est un matériau naturel, et pour ce qu’il génère : la qualité de l’air, la gestion de l’humidité, la régulation des températures, bref tout ce que l’on connait du béton de chanvre et que j’explique depuis des années. Des qualités qui l’ont séduite et qu’elle voulait retrouver sur ce projet d’agrandissement.

De par son activité de professeur de yoga et sa sensibilité, elle accorde aussi une place essentielle au ressenti d’un lieu, et le béton de chanvre confère spécifiquement une impression de bien-être aux espaces utilisant ce matériau.

 

Est-ce que vous pouvez nous détailler la conception de l’extension en béton de chanvre.

DB : L’architecte a conçu des plans pour déposer le permis qui a été accepté assez facilement. Avec le parti pris de concevoir une toiture plate pour l’extension. On ne voulait pas imiter l’existant avec une toiture en pente. Du coup, il est prévu une végétalisation par la suite sur l’EPDM.

On a mis en place des panneaux solaires photovoltaïques qui viennent en appoint électrique pour alimenter la PAC. Elle alimente toute la salle qui est équipée d’un parquet chauffant.

Eh oui, car les gens pour le yoga sont pieds nus ou en chaussettes, donc l’hiver un tel système apporte beaucoup de confort. L’option initiale de mur chauffant n’a finalement pas été retenue car il n’y aurait pas eu suffisamment de place pour la décoration des murs. En effet, les surfaces vitrées étant importantes, la place libre en vertical est limitée.

 

Vous avez retenu différents types d’équipements annexes…

DB : La PAC électrique, en plus du parquet chauffant produit l’eau chaude sanitaire à l’étage. C’est une belle installation. Par contre, pour les 2 bureaux des praticiens, on fonctionne avec des PAC air-air plus classique afin que chacun dispose d’un fonctionnement autonome et totalement indépendant de la structure salle multifonction/habitat. La production électrique est en partie assurée par les panneaux photovoltaïques

 

Est-ce que les objectifs thermiques étaient aussi élevés que dans vos précédentes réalisations ?

DB : On a fait intervenir un thermicien pour que le projet se situe un peu au-dessus de la RT 2012, pour les aspects standards Bbio, Cep et Tic.

Mais en fait comme d’habitude on va au-delà de ces seuls enjeux. On a beaucoup réfléchi aux apports solaires. On est dans une démarche bioclimatique pour viser des performances passives.

 

La projet de la MOA fait que le terrain autour de l’habitat est pensé comme contributeur au bien-être.

DB : À l’extérieur tout a été réaménagé, avec d’une part la création de quelques emplacements de parking pour l’aspect purement pratique et d’autre part et pour l’essentiel, la configuration d’un très joli jardin. Il est constitué en parcours pédagogiques et ludiques avec une signalétique constituée de petits panneaux en bois, à l’ancienne. Parcours de senteurs, parcours botaniques avec roseraies et lavandes, fontaine, quelques endroits tapissés d’herbes pour faire des activités d’extérieur composent le décor.

 

 

Quelles sont les grandes lignes des travaux de la partie rénovation ?

DB : Ici on a retenu des solutions voie sèche, pour être en phase avec le budget disponible. En tenant compte du fait que la déconstruction est une phase coûteuse et que sur un autre plan, elle impacte largement le planning chantier.

Dans un premier temps, avant de procéder à l’isolation, il a fallu enlever l’ancienne laine de verre de 15 à 20 cm d’épaisseur, très détériorée. On a eu recours à une entreprise spécialisée dont les intervenants étaient en “tenue de cosmonaute” J. Il a fallu créer un sas dans la cage d’escalier pour protéger la maison de la dispersion de la laine de verre désagrégée, avec obligation d’utiliser l’aspirateur régulièrement dans la cage d’escalier. Cela a été fastidieux.

On a refait tous les réseaux des fluides et de l’électricité avec connexion à la nouvelle source de production d’énergie.

On a pu ensuite mettre en place l’isolation biosourcée voie sèche dans les combles perdus et sur les murs R+1.

 

Comment avez-vous traité l’interface entre la maison et l’extension ?

DB : La liaison se fait par la façade sud, qui ne disposait jusqu’alors que de 2 petites fenêtres, complétées par une porte-fenêtre.

Chronologiquement, on a d’abord ouvert le mur sud au 1er étage, petit à petit, en enlevant pierre à pierre. On les faisait tomber au sol, sur l’emplacement de l’extension, où à cet instant t n’avait été réalisé que les fondations.

Cette ouverture de 2.6 m donne à la chambre placée de ce côté, une magnifique vue sur la plaine des Maures. Du fait de l’orientation sud, on a mis en place un BSO métallique pour éviter la surchauffe. Cette grande ouverture donne sur un balcon plus bas que la toiture de l’extension. Celui-ci s’en trouve complètement masqué.

On a ensuite coulé la dalle de l’extension pour être à niveau du rdc existant. On a réalisé cette fois, l’ouverture du rdc de la façade sud, sur 4 m de largeur. Et comme cela allait générer des reports de charges conséquents sur les 60 cm de murs restants de part et d’autre, on a renforcé la structure du bâti avec la mise en place d’un IPN, avec coulage d’une poutre béton.

Cette métamorphose de la façade permet une nouvelle circulation au rdc en facilitant l’arrivée dans la grande salle multifonction.

La création de cette extension nous a imposé la création d’un nouvel escalier pour accéder à la terrasse existante de la façade Est qui, en période estivale, est à l’ombre d’un magnifique grand arbre plus que centenaire.

 

L’extension qui est  la raison d’être du projet est en béton de chanvre. Pouvez-vous nous en retracer les grands principes de construction ?

DB : On est sur un système classique pour l’ossature bois, avec des sections de 120 x 60 cm et surtout pas 140 x 45 cm. L’autre grande erreur à ne pas commettre consistant à placer des poteaux dans les angles. Pas dans le cadre d’un projet béton de chanvre, car celui-ci doit pouvoir envelopper l’ossature conformément à la règle de recouvrement spécifiée dans les règles professionnelles de ce domaine.

Pour la structure, on est sur une trame classique avec 60 cm entre chaque montant.


QUELQUES POINTS DE DÉTAILS POUR RÉUSSIR SA CONSTRUCTION EN BÉTON DE CHANVRE TRADICAL®

Préfabrication de l’ossature bois en atelier

Les panneaux des parois ont été

  • fabriqués en atelier par un charpentier
  • amenés en une seule fois sur site par camion
  • manipulés au moyen d’un chariot élévateur pour la mise en place.

Il s’agit donc d’une “préfabrication prête à projeté”. Au préalable on a procédé à la mise en place du coffrage perdu, panneaux hauteur d’étage, côté intérieur, avec mise en place de l’ensemble des réseaux des fluides.

On distingue une grande poutre lamellée collée qui porte le plancher de la terrasse du 1er étage. Sur cette poutre est également fixé une muralière avec une pente pour recevoir la charpente de la toiture sur laquelle est posé un système végétalisation/osb/epdm . Du fait des contraintes mécaniques engendrées à cet endroit, l’ensemble repose exceptionnellement sur 2 poteaux en vis-à-vis. Et particularité, du fait du risque de non-respect de l’épaisseur d’enrobage du poteau par le béton de chanvre, j’ai fait agrafer un film pare-pluie HPV pour désolidariser le béton de chanvre du poteau pour éviter un différentiel de tension continu, qui risquerait de générer des fissures dans le mur. Avec la configuration mise en place, si le bois se dilate, il n’y aura pas de conséquence sur le Béton de Chanvre.

À noter également  l’espacement de 60 cm des montants de l’ossature pour respecter le format des plaques de parement intérieur de 120 cm de large.

assemblage des modules de l’ossature bois

assemblage des modules de l'ossature bois

 

Contreventement de l’ossature bois et le point singulier des angles

On contrevente simplement avec des feuillards métalliques. Par ailleurs il convient d’être vigilant sur la réalisation des angles qui pourraient être réalisés avec des pièces de bois de section trop importante. Il est essentiel que le chanvre puisse enrober la structure dans les épaisseurs requises.

D’où la mise en place d’équerres métalliques pour solidariser les parois, en restant, aux angles, sur des sections de bois standard.

Détails des sections des montants et mise en place des feuillards pour le contreventement

Détails des sections des montants et mise en place des feuillards pour le contreventement

 

Protection anti-termites

La lisse basse bois est posée sur un film noir qui est en fait un revêtement de protection “physico-chimique létal” contre les termites. Même si le béton de chanvre est parfaitement efficace dans ce domaine, j’ai recommandé cette membrane pour anticiper l’évolution de la règlementation du fait que la carte nationale évolue chaque année. Cette fonction est  ici précisément assurée par une solution dédiée. On tient compte du devenir de la construction.

Ce dispositif est posé sur la largeur que va faire le béton de chanvre. La bande est fixée mécaniquement. Ensuite on met en place la lisse basse.

protection “physico-chimique létale” contre les termites

protection "physico-chimique létal" contre les termites

 

Descentes des eaux de pluie

Elles sont totalement intégrées dans l’épaisseur des murs de béton de chanvre, et donc complètement invisibles.

L’écoulement des eaux se fait par le gros tuyau coudé qui descend directement en bas du mur, dans le drain périphérique. On est sur un diamètre de 80 mm et non 100 mm, ce qui a permis de noyer ce réseau.

  • Autre détail 1 : on voit le film qui recouvre le poteau comme décrit avant, pour désolidariser mécaniquement le béton de chanvre de cette pièce. Sur ce poteau sont fixées les gaines de fils électriques connectés aux panneaux photovoltaïques qui sont sur le toit terrasse.
  • Autre détail 2 : les tableaux en fibralit qui vont recevoir directement les enduits de finition

 

Détail 1 descente eaux de pluie dans l'épaisseur du mur en béton de chanvre

Détail 1 descente eaux de pluie dans l’épaisseur du mur en béton de chanvre

Détail suite

Détail suite

 

La base du mur en béton de chanvre

On voit d’une part le tuyau des eaux de pluie qui descend pour être raccordé à une cunette périphérique en béton. On distingue aussi le soubassement en béton cellulaire qui ceinture l’embase et qui fait office de rupteur de pont thermique pour le soubassement en béton. Le béton de chanvre sera positionné partiellement dessus. À l’arrivée, ce revêtement rapporté sera au même nu que le béton de chanvre. La finition recouvrira l’ensemble. Une trame est placée à la jonction mur/embase pour éviter la fissuration du mortier de finition.

Détail de la fixation des feuillards sur l’ossature et détail de la base du mur

Détail de la fixation des feuillards sur l'ossature et détail de la base du mur

 

Extension façade sud

Détail des supports des brise-soleil (pièces métalliques vertes)  préfixés sur la structure bois et qui seront noyés dans le béton de chanvre, ne laissant dépasser que les tiges filetées pour la fixation des lames brise-soleil bioclimatiques.

On voit bien le détail de la pente de la toiture terrasse au niveau de l’acrotère.

On voit également les panneaux intérieurs posés collés sur l’ossature, conformément  au mode opératoire classique de ce matériau.

A ce stade, on est sur le point de démarrer la projection mécanique du béton de chanvre

Détails coffrage perdu, fixation brise-soleil et pente de la toiture terrasse

Détails coffrage perdu, fixation brise-soleil et pente de la toiture terrasse

 

Projection du béton de chanvre

La projection s’est faite avec un débit de 3 m3/h pour disposer d’un fonctionnement cohérent entre débit/rebond/enrobage..

Projection du béton de chanvre Tradical®, dosage application mur

Projection du béton de chanvre Tradical®, dosage application mur

 

Montage de l’extension

L’assemblage Mur+Toiture s’est fait sur 3 semaines, car la gestion de la jonction entre l’ancien et le neuf a demandé beaucoup d’intervention.

 

En fait, les chantiers de rénovation peuvent être compliqués !

DB : Le chantier a duré un an. Avec la déconstruction du rdc, les travaux au R+1, l’ensemble intégrant la reprise intégrale des réseaux, la modification des cloisons, l’isolation complète. Il ne faut pas voir une telle intervention sous le seul prisme de l’extension ou de la partie neuve. De fait je définis toujours un budget pour traiter l’existant, et un autre budget pour le projet.

Il faut que les maîtrises d’ouvrage en général, dès le départ, prennent conscience de ce que va être l’aventure parce qu’en fait tout est reconditionné, modifié de fond en comble. Il faut tenir compte de l’existant qui représente une forte contrainte.

“La valeur ajoutée de mon intervention, c’est justement de gérer les difficultés permanentes, de sélectionner tous les intervenants pour disposer d’une équipe cohérente et qualifiée et avec laquelle je peux garantir un résultat.”

 

FICHE CHANTIER BÉTON DE CHANVRE

  • Lieu : Vidauban (83)
  • Durée du chantier : 12 mois
  • Date livraison : 2019
  • MOA : privée
  • AMO / Maîtrise d’Œuvre : DB Chanvre – Daniel Bayol | 154 Chemin de la futaie – Vidauban 83550 – France | www.db-chanvre.com

 

Applications biosourcées 

  • Béton de chanvre Tradical® en application MUR : avec la chaux Tradical® Thermo + la chènevotte Chanvribat®
  • Ouate de cellulose dans les combles perdus et laine de bois pour les murs en R+1

 

Chauffage

  • PAC pour la salle multifonction (parquet chauffant) et le R+1 :
  • PAC air-air pour les 2 bureaux bureaux

 

Configuration générale

  • RDC (selon normes ERP et PMR) : salle multifonction / Rampe d’accès / Hall d’accueil / 2 bureaux / toilette / SdB
  • R+1 : habitation

 

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